Prenez soin de nous

CHRONIQUE ANTIVIRALE #3

La légende


Covid-19, un virus mental, aussi
Aux crises sanitaires, sociales et économiques que nous vivons s’ajoute une autre à la fois très intime et pourtant universelle, celle de la mobilisation des pensées. En effet, jamais dans l’histoire, les hommes n’ont été tous et en même temps confrontés à un envahissement mental aussi univoque.

Le virus est partout, il affecte nos corps, nos vies sociales mais aussi nos esprits. 

S’il semble hasardeux de formuler des hypothèses sur la nature des traces que ce phénomène laissera dans les comportements, ce que l’on sait, c’est que le prisme d’analyse Corona sera là, demain toujours présent et peut-être même, lui survivra.

Plus rien comme avant
Les partisans du « plus rien ne sera comme avant » sont nombreux, soit souhaitant l’avènement d’un monde nouveau enfin débarrassé de ses aveuglements, soit pensant, au contraire, que demain ne sera qu’une réplique plus sombre du temps d’avant. Ainsi, même lorsque, sceptique, Michel Houellebecq déclare « Nous ne nous réveillerons pas, après le confinement, dans un nouveau monde ; ce sera le même, en un peu pire », il parle finalement bien de nouveauté. Un peu pire ce n’est certainement ni un souhait ni une fatalité mais, au sens propre, c’est différent donc nouveau. 

En dehors des visions qui les opposent, il semblerait au fond que rupturistes, idéalistes ou conservateurs se rejoignent sur un constat : le monde ne fonctionne pas bien, il est malade.

Le care, une éthique pour soigner le monde
La philosophe américaine Joan Tronto fait partie des premières à avoir formulé l’éthique du care (le soin aux autres) comme une manière de réfléchir au monde et surtout à imaginer comment il pourrait tourner autrement. Elle explore une autre façon d’envisager la morale inspirée de l’expérience des femmes et de ce qu’elles ont développé comme capacité à conforter les relations interpersonnelles, à tisser les interactions sociales. Il ne s’agit plus d’une morale organisée selon le mode dichotomique du bon et du mauvais mais plutôt de dire concrètement comment faire ce qui doit être fait pour le bien de tous. Cette éthique a connu une illustration récente dans la différence largement commentée entre le discours aux consonances martiales d’Emmanuel Macron et celui protecteur, presque maternel, d’Angela Merkel. Pourtant tous deux s’adressaient à leur nation dans les mêmes circonstances et dans le même objectif de prévention d’une pandémie destructrice, mais quand le premier recherche force et sidération, le second se veut rassurant. 

Autre exemple, lorsque l’artiste Sophie Calle demande à sept femmes ce que leur inspire la phrase « prenez soin de vous » concluant un mail de rupture qui lui était adressé, ne fait-elle pas de la notion de soin un objet de confrontation entre l’intime et l’universel ?

Pour les entreprises comme pour les sociétés, tout l’enjeu repose sur cette dualité car si, la plupart du temps, les agissements moralement généreux s’adressent à ceux qui nous sont proches et pour qui nous sommes supposés le faire (clients, collaborateurs), cela devient plus difficile envers ceux qui nous sont plus éloignés ou inconnus. Le but du care est de rétablir la balance de justice, entre ceux dont on se sent proches et les autres. À ce propos, Joan Tronto déclare « Nous sommes devenus une société tellement focalisée sur l’économique que tout ce qui est autre que du travail est devenu une catégorie vide mais en fait, c’est ça, la vraie vie, la réelle catégorie, c’est là que les gens deviennent eux-mêmes, exercent des jugements moraux, vivent ! ». Et c’est là aussi qu’ils exercent leur préférence de marque.


Les marques qui soignent
On le sait désormais, il va falloir s’habituer à vivre avec le virus et la crise. Face à cette contrainte de tous les instants, comment les marques peuvent-elles s’inscrire dans la vie de leurs publics ?

Une étude récente (1) souligne que les Français attendent des marques qu’elles fassent preuve d’une empathie sincère dans leurs messages, mais surtout qu’elles s’inscrivent dans l’action et la résolution des problèmes. Sur ce point, les sondés leur accordent d’ailleurs majoritairement une confiance qu’il serait prudent de ne pas trahir !

Mais toutes les marques ont-elles vocation à devenir des marques soignantes ? Oui, probablement,  mais à des niveaux différents légitimés par leur fonction ou leur utilité. En l’absence d’un véritable engagement, un risque serait de continuer à proposer produits ou services sans tenir compte d’insights sociétaux totalement bouleversés par la crise. Un autre serait de se limiter aux actions circonstancielles comme par exemple le soutien au personnel soignant, actions évidemment louables mais qui ne peuvent constituer les fondements d’une stratégie de long terme. 

Les Français demandaient déjà davantage aux entreprises et aux marques avant la pandémie, on peut facilement imaginer que leur niveau de tolérance face à un certain marketing décomplexé va changer, tout comme leur appréciation entre ce qui a de la valeur et ce qui n’en a pas.  
 

De la raison d’être à l’utilité sociétale
En 2016, un sondage IFOP révélait que 51% des Français considéraient qu’une entreprise devait être utile pour la société dans son ensemble. Avec le PACTE, (Plan d’Action pour la Croissance et la Transformation des Entreprises) elles ont ainsi été incitées à interroger leur « raison d’être ». Même si la démarche peut paraître étrange appliquée à des structures parfois plus que centenaires, elle permet de poser les bases d’un nouveau paradigme dont les orientations ne sont efficaces qu’à la condition d’être corrélées aux réalités du business.

Démontrer leur utilité sociétale constitue ainsi une étape majeure pour les marques mais aussi pour toutes les formes d’organisation qui devront se définir dans leur dimension soignante et protectrice. Cette démonstration exige une meilleure synchronisation entre leur proposition et les préoccupations de la population, ce qui dépasse de loin la simple attention-client. Les marques seront jugées sur leur aptitude à l’écoute, avant de chercher à vendre, elles devront rechercher des solutions à des problèmes.

Une éthique transverse à tous les domaines
S’il semble plus simple pour certains secteurs naturellement proches du soin comme l’agro-alimentaire ou la cosmétique d’investir dans l’éthique du care, il ne faut pas oublier que toute marque, entreprise ou organisation entretient des relations avec une multitude de parties prenantes qui sont autant de champs d’application de sa responsabilité. Ainsi, quand de nombreuses entreprises s’engagent à régler rubis sur l’ongle leurs fournisseurs, d’autres créent des accords de partenariat de progrès avec leurs sous-traitants, certaines encore mettent du temps à disposition de leurs collaborateurs pour mener des projets à dimension sociale…

L’éthique du care est un chemin exigeant, certes, mais il procure un formidable gisement relationnel entre une marque et l’ensemble de ses publics. 


Christophe Gauthier pour All Contents

 (1)Trust barometer

Retrouver l’idée du bien-être collectif

CHRONIQUE ANTIVIRALE #2

1/2 – « Retrouver l’idée du bien-être collectif » 

Business first or people first ?
Il nous faut un plan pour maintenir un équilibre économique devant l’adversité. Mais l’économie n’est pas toute puissante et elle a cruellement montré ses limites devant une crise sanitaire. Alors sur quoi allons-nous pouvoir fonder notre confiance, trouver collectivement des raisons d’y croire. Comment échapper à la défiance généralisée et prendre confiance individuellement et réciproquement dans nos organisations ? 

Détail de la couverture de la première édition de 1932 du Meilleur des mondes de Aldous Huxley


Tous responsables… ou pas 
Si aujourd’hui la préoccupation sanitaire prime sur tout, demain il nous faudra définir un pacte pour nous rassembler et produire un effort de solidarité. Après 2008 nous cherchions la rédemption en faisant vœu d’utilité à l’économie réelle, pour conjurer le mal contagieux et dévastateur de la finance virtuelle. 
Mais pour sortir de cette crise quel sera le bon sujet pour les entreprises ? Quelle sera la parole juste pour leur communication ? Pouvons-nous désormais continuer à conjuguer à l’infini entreprise économique et responsabilité sociétale ? Une autre voie est peut-être possible où nous apprendrons de notre réalité immédiate, en nous approchant des conditions de vie de chacun, de notre habitat et de notre qualité d’environnement. 
 
Et après
Pour sortir de l’isolementEloi Laurent, économiste et conseiller scientifique à l’OFCE, nous propose de « retrouver l’idée du bien-être collectif ».Il poursuit dans un entretien confiné sur France Inter : « Je crois qu’il y a une réflexion vraiment importante à avoir sur la notion de bien-être, avec trois notions : le bien-être essentiel, le bien-être inutile et le bien-être nuisible. Et comprendre que le bien-être essentiel doit pouvoir se perpétuer et qu’il va falloir se passer d’un certain nombre de choses qui sont nuisibles à notre bien-être. »  Retrouver l’idée de bien-être collectif c’est revenir à l’origine de l’état providence. 
 
Améliorer le bien-être humain serait notre finalité. Un engagement à prendre et à partager pour nos organisations, c’est accessible et à notre portée… C’est demain.
 
Olivier Dureau pour All Contents

Pour accéder au replay de l’entretien : 
https://www.franceinter.fr/environnement/les-entretiens-confines-avec-eloi-laurent-retrouver-l-idee-du-bien-etre-collectif

2/2 – Les destructions créatrices 

En cette période de crise sanitaire, un leitmotiv émerge depuis une semaine ou deux… Un refrain qui commence souvent ainsi : « Après la crise du Covid-19 le monde aura changé !», « Quand nous serons déconfinés plus rien ne sera comme avant ! »  « Nos sociétés et nos communications en sortiront différentes, transformées, grandies… »  Et si ce n’était pas le cas ? 

« Les moments où rien ne change
Sans vouloir faire du mauvais esprit, dans mon quotidien personnel, très peu de chose ont changé si j’oublie un temps ma restriction de liberté je n’ai pas le sentiment que ma vie soit bouleversée – c’est pénible certes – mais pas fondamentalement différent. Bien entendu j’ai conscience de toutes les répercussions sociales auxquelles nous devront, et devons déjà faire face, et qu’on qualifie d’ores et déjà de « désastre ». Qu’est-ce qui va être transformé à l’issue de cette situation inconnue ?  

N’est-ce pas nous prendre à notre propre piège de chercher un nouveau monde ? Comme nous interpelle très bien le philosophe Cory Stockwell en nous disant : « il n’y a rien de nouveau dans le coronavirus… ». Alors s’il n’y a rien de nouveau qu’est-ce qui va changer après la crise ? Toute la question est là ! 

…les moments où tout change. »  
Pour avoir quelque chose de nouveau, il faut bien avoir une transformation à un moment ou à un autre. Mais d’où viendra cette transformation ? Pas du corona, le virus est certes à l’origine de notre « destruction » sociale temporaire mais il n’est pas déclencheur de nouveauté. M.Stockwell fait bien de nous interroger sur comment transformer un peu ce monde, si on veut le voir demain concrètement différent. Alors qu’est-ce qui sera transformé ? Pas le monde, pas le système économique, il nous reste ce qui était là avant et qui sera là demain… Nous devrons agir différemment. Sur quoi pourrons-nous nous appuyer ? Sur nous-mêmes…

Une destruction révélatrice
Cory Stockwell nous propose une idée : nous interroger sur la destruction. Une destruction, notre destruction temporaire engendrée par le Covid-19 qui n’est pas l’acteur de notre transformation mais bien un temps catalyseur pour nos idées. Un moment forcé mais privilégié qui nous permet de révéler des choses qui étaient présentes, mais cachées. Ce que cette destruction révèle, c’est que nous avons souvent tendance à cacher le sens de nos actions derrière des actes automatiques ; c’est-à-dire qu’il nous faut (re)prendre le temps du pourquoi avant le temps du comment. Le temps de nous interroger sur le sens de nos communications, avant même de les communiquer techniquement parlant.  

Ce temps catalyseur, au-delà de nous révéler les « manquements » de nos réflexions, nous invite également à nous interroger sur comment répondre à ce sens une fois que nous l’avons (re)découvert  ? Comment trouver les ressources, nos ressources, pour répondre à cette destruction  ?  

La réponse n’est pas à attendre d’une autre source que nous-même. Ces ressources dans notre métier peuvent justement venir de la création : « c’est la destruction qui fait sens, et c’est pourquoi il ne faut pas chercher une manière d’en sortir, mais d’en faire autre chose. (…) Retourner la destruction sur elle-même, pour « l’ouvrir » vers la création qu’on trouve sous des significations qui semblent figées ».  

La destruction recèle de sens et ce désastre révèle nos idées cachées, pour enfin nourrir notre communication. Alors à nos idées ! 

Cindy Saint-Ouen pour All Contents

Faisons commerce d’intelligence

CHRONIQUE ANTIVIRALE #1

Rester chez nous c’est bien, mais trouver notre place sera encore mieux.Être communicant ne relève pas d’une technicité, qu’elle soit celle de l’opérateur de génération de leads ou de l’ingénieur en captation d’attention. Être communicant c’est être responsable du sens des messages et des informations que nous contribuons à diffuser. 
 Pour sortir de la confusion, des prises de paroles multiples qui ne font qu’ajouter à nos inquiétudes des interrogations supplémentaires, nous pensons qu’il faut aller chercher des réponses ailleurs. Un peu d’humilité, nous ne nous en sortirons pas seuls ! Nous proposons dès lors de (re)prendre la position de passeur d’idées pour la plus grande utilité de nos clients, de nos partenaires et de nos collaborateurs. Relayons les analyses des penseurs les mieux à même de comprendre ce temps catastrophique et tenons-nous en position d’éclaireur. 

Dans ce sens, nous initions une série de publications sous l’appellation Chronique antivirale. En partant à chaque fois d’une prise de position notre principe sera de relayer des éclairages, des analyses, d’intérêt et d’utilité pour nos clients, sans éluder les sinistres à venir. Nous avons tous besoin de repères. 
C’est un geste collectif qui implique bien sûr les collaborateurs de All Contents mais aussi nos partenaires, et nos amitiés professionnelles. Alors partageons, les pensées de philosophes, sociologues, psychologues, économistes, qui pourraient ouvrir des voies pour une résilience collective. Aujourd’hui pour nous aider à penser cette crise dans les semaines et les mois qui à venir, nous vous proposons d’écouter ou réécouter Gaël Giraud (photo cr Socialter)interviewé par RT France. Il est économiste, chercheur et prêtre, et il enseigne entre autres la théorie des jeux et l’économie mathématique. https://lnkd.in/dQQ7GFt

Soyons comme une reine. Puisqu’il s’agit aussi de prendre toute la mesure de notre position et de l’occuper avec la plus simple et plus authentique expression, faisons le avec autant de dignité comme la reine Elisabeth 😉 Mais attention dans ce moment de vérité, la posture en dit plus que les messages comme l’a souligné le communiquant Davis Brunat pour Le Figaro.fr. Voyez la sobriété d’Angela Merkel, un gage d’honnêteté et d’accessibilité ! 
Restons simples, soyons prêts à maintenir nos activités. Activons les débats de société, suscitons des réactions, organisons des dialogues, des échanges… Il n’y a pas de parole toute faite qui soit nécessaire. 

 « Compassionnellement »

 Olivier Dureau pour All Contents

#PlaygroundForAll

Notre volonté ? Créer un espace de confrontation entre les marques et les univers de l’art et de la technologie, dans un esprit de co-construction de nouvelles brand experiences. Il sera possible de s’y familiariser avec les technologies, et les apprivoiser.

L’inauguration du site eut lieu le 26 avril 2017 avec l’événement « Light Vibrations », présentant des installations interactives lumineuses et sonores, comme la lampe 3CL du designer Philippe Nacson  et le Lightbot de Ludovic Clamens de Realtime Robotics. Ce fut le premier événement d’un cycle d’expositions de créateurs numériques : #Iceberg de l’artiste Mathieu Merlet-Briand (oct. 2017), Silent Mutation avec Lionel Bayol-Thèmine (Juin 2018). Depuis le début du mois d’octobre All Contents accueille au sein de #PlaygroundForAll  l’artiste Pierre Rousteau, alias Pierre de Belgique pour une performance en résidence qui se déroulera sur quatre mois.

Les expositions organisées dans cet espace ont pour vocation de révéler les talents qui créent avec la matière numérique. C’est aussi un espace de workshops entre entreprises et partenaires, conçu pour penser et concevoir les nouveaux usages numériques en communication. On y retrouve également un lab créatif, Oh Ah, et la direction de création de l’agence, qui détectent les innovations de rupture et les tendances.

Enfin, un partenariat avec l’Ensad (École nationale supérieure des Arts Décoratifs) et l’EnsadLab a été mis en place. Une programmation commune a été engagée pour provoquer la rencontre entre les dirigeants des entreprises et les doctorants, pour une présentation in situ de leur « démos ».

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Le résident

Pierre de Belgique
Oct. 2018 > Janv. 2019

Pour sa dixième année, All Contents accueille une performance inédite (la réalisation d’une œuvre en dix étapes) et accompagne un artiste dans son processus créatif : de la naissance de l’idée à son expression. Nous souhaitons faire partager cette expérience parallèle au monde de la communication, ses évolutions inattendues, son sens caché, et bien sur sa révélation finale en janvier 2019.

L’artiste Pierre Rousteau, alias Pierre de Belgique, est un designer graphique qui se passionne pour la recherche sur les médiums et les formes, son travail associe des caractères dessinés à la main à un brassage éclectique de textures.

Cette performance en résidence se déroulera sur quatre mois au sein de #playgroundforall au 29 de la rue de Saint Pétersbourg à Paris, le lieu d’exposition et de création digitale de l’agence.